Installation de la commission laïcité

… Comment renforcer le vivre ensemble, le respect de l’autre, dans des lieux et des espaces, qui fondent le pacte républicain, sans exclusive, ni ostracisme. C’est ce sillon que la commission doit creuser, prolonger, poursuivre…

Je voudrais ouvrir cette commission, par deux points qui me paraissent parlants. Le premier, est que le mot laïcité n’apparaît à aucun moment, dans le texte de la loi de 1905. Non pas qu’il en soit dissocié, bien au contraire, il en est en fait, l’esprit, le fruit et le résultat, du processus de séparation de l’église et de l’Etat. Peut-être faut-il y voir là, les nombreuses interprétations dont il fait l’objet, entretenant confusion, amalgame et fantasme. Laïcité identitaire, laïcité de combat, laïcité de convenance, laïcité positive, laïcité molle, de quoi parle-t-on exactement ?

Pour poser deux bornes au cœur de cet espace laïque, il convient de définir, dans un premier temps, la laïcité, par ce qu’elle n’est pas : ce n’est ni une religion de l’anti-religion, pas plus qu’elle ne signifie une société « sans religion ». D’aucuns m’objecteront qu’elle stigmatise, et montre du doigt les confessions, et l’islam en particulier. Dans l’instrumentalisation qu’en fait Marine Le Pen, oui, mais pas dans la loi de 1905, pas parmi nous.

Aucun républicain de cette commission ne peut accepter l’idée, qu’un instrument de concorde ne devienne un instrument d’exclusion, à l’exception de l’extrême droite. Il faut aussi le rappeler et le dire, haut et fort.

Le deuxième point, dont je parlais en introduction, relève du vocabulaire employé, qui donne une idée du brouillage actuel. On parle aujourd’hui de juifs de France, catholiques de France, musulmans de France, mais plus de Français de confession juive, catholique ou musulmane. Comme si l’individu avait refoulé le citoyen, comme si l’appartenance religieuse était devenue la seule affirmation identitaire possible, en lieu et place de l’affirmation, à des racines culturelles.
C’est dire s’il y a urgence à agir, face à une telle fragmentation de notre communauté, une urgence, que les attentats du 7 janvier, sont venus souligner, dans un geste d’une violence inouïe, aveugle, et barbare.

J’ai défini la laïcité par ce qu’elle n’était pas, il est temps maintenant de la définir par, et pour, ce qu’elle est. C’est un cadre juridique, issu d’une longue histoire, et d’une volonté devenue collective, de séparer la chose publique de la sphère privée. La laïcité n’a pas surgi du jour au lendemain, il faut aussi la considérer, et la respecter, comme l’aboutissement de ce combat historique.

Elle permet ainsi, à notre société, de se rassembler au-delà de nos différences, sans les nier, ni les dénigrer. C’est le cadre d’une coexistence pacifique, le moyen de vivre en paix, entre croyants et non-croyants, entre les confessions elles-mêmes, de faire baisser les tensions. La laïcité garantit la liberté de culte, sans prosélytisme, et le respect mutuel, entre croyances et convictions. Elle renforce ainsi la liberté de conscience de chacun, au cœur de l’égalité républicaine, l’opinion spirituelle relevant de la conscience individuelle. Sphère publique d’un côté, sphère privée de l’autre : la République n’a pas à reconnaître le fidèle, mais le citoyen, sans discrimination aucune, en termes d’appartenance religieuse.

Cette ligne de partage, c’est celle de l’égalité républicaine, mais aussi du respect de l’autre, et de sa différence. Je le dis souvent, mais là encore, il n’est pas inutile de le rappeler : il y a des principes qui protègent, et d’autres qui interdisent. La laïcité est un principe qui protège, qui nous protège.

A Vénissieux, nous voulons et avons toujours voulu, que la laïcité soit une laïcité de terrain, de proximité. Dans ce combat crucial, et c’en est un aujourd’hui, pour le vivre ensemble, je tiens à valoriser le travail pédagogique, que nous poursuivons depuis des années.

Je tiens également à remercier l’ensemble de nos services, et de nos équipements culturels, ainsi que les délégués départementaux de l’Education Nationale de Vénissieux, toujours à nos côtés. 11 écoles de Vénissieux, les jeunes des 6 EPJ, les élus du conseil municipal enfants, ont ainsi été associés et impliqués, dans l’organisation de la journée de la laïcité, du 9 décembre dernier. La mise en place de cette commission s’inscrit dans cette volonté d’agir, avec le souci de la proximité, et d’un temps plus long.

Nous n’en attendons pas des résultats chiffrés, des statistiques, des pourcentages, mais le prolongement de l’écho de la laïcité, son enracinement auprès des jeunes générations, et dans ce qui touche notre quotidien.

Elle sera un lieu de débat, un laboratoire aussi, de réflexion, de sensibilisation et de valorisation, des actions entreprises, en faveur la laïcité. Sa dimension est pédagogique bien sûr, mais une pédagogie de terrain, une pédagogie de la pratique : laïcité et vivre ensemble, dans les secteurs de l’éducation, de la petite enfance, du sport, de la culture, de la relation avec les services municipaux.

Comment renforcer le vivre ensemble, le respect de l’autre, dans des lieux et des espaces, qui fondent le pacte républicain, sans exclusive, ni ostracisme. C’est ce sillon que la commission doit creuser, prolonger, poursuivre. Pas plus que l’Etat ne reconnaît une religion plus qu’une autre, une laïcité à géométrie variable, où le droit communautariste se substituerait progressivement au droit commun, ne ferait qu’aggraver les fractures du lien social.

« La laïcité n’est pas un particularisme accidentel de l’histoire de France, insiste le philosophe Henri Pena-Ruiz, elle constitue une conquête à préserver et à promouvoir, de portée universelle. »

C’est tout le sens de cette commission de la laïcité et du vivre ensemble, à laquelle je souhaite un excellent travail.

Je vous remercie.

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